L’enlurminure

C’est au XIIIe siècle en Occident que le manuscrit quitte les ateliers monastiques pour les ateliers laïques.

Ces ateliers apparaissent dans tous les centres urbains importants et le manuscrit connaît une période de faste et d’abondance. Deux destinataires principaux : d’une part, les universités qui fleurissent dès le début du siècle et qui, avec le développement de l’enseignement, constituent des commanditaires de choix dans tous les domaines (copie de textes anciens, textes religieux, etc.), et d’autre part, des commandes privées, puisqu’on encourage beaucoup à cette époque la dévotion privée (piété individuelle à laquelle la montée des ordres mendiants a beaucoup contribué), d’où une production intense de livres d’heures. Un peu plus tard, apparaîtra la littérature courtoise, qui, elle aussi sera très consommatrice de manuscrits pour le privé, cette fois d’usage profane.

Ainsi verra t-on fleurir à Paris, ville universitaire de France par excellence, et lieu où évolue notre Maisnie, quantité d’ateliers d’enlumineurs laïcs. Paris étant divisé en quartiers, le quartier des enlumineurs, relieurs et libraires est situé entre l’université et Notre-Dame (encore sous le joug de l’archevêché de Sens), en particulier dans la Rue Neuve Notre Dame, grand axe partant du parvis ou encore dans la rue des Escrivains, à proximité de Saint Séverin, créée vers 1250.

Ces ateliers correspondent à la typologie des métiers d’artisans, c’est-à-dire qu’ils sont organisés de la façon suivante : un maître, des compagnons et des apprentis. Il semble que l’atelier soit une entité très familiale, comme dans beaucoup de cas, le métier se passant de père en fils. Il n’est donc pas aberrant de rencontrer des femmes dans les ateliers d’enlumineurs, femme ou filles du maître enlumineur. Par exemple, il semblerait que la plupart, comme Marguerite de Sens, aient appris sur le tard, par l’activité familiale. Certaines reprirent même l’atelier familial à la mort du maître, comme Jehanne de Montbaston à Paris par exemple (1e moitié du XIVe siècle). Il est possible que ce soit cette dernière, représentée avec son mari, sur ce manuscrit (BNF Ms Français 22526). Outre le fait que cette bordure montre une femme enlumineuse, elle permet aussi de voir que chaque enlumineur est à son lutrin individuel (mais cela reste peut-être une fantaisie de l’artiste) et comment les feuilles sont suspendues et mises à sécher sur une tige une fois terminées.

Une des caractéristiques principales de cette époque en enluminure reste l’influence très importante de l’architecture et l’art du vitrail, en particulier à Paris, où la Sainte Chapelle de Saint Louis marque tous les esprits. Cela se manifeste par l’abondance des architectures figurées sous lesquelles les personnages évoluent (par exemple, dans le Psautier de Saint Louis, La Bible de Maciejowski ou encore le Livre d’images de Madame Marie) et une palette dans laquelle le rouge, le bleu, et bien sûr l’or, tiennent une place prépondérante, rappelant ainsi les couleurs très utilisées en vitrail à cette époque (pensons par exemple au bleu de Chartres).